Page 5 - Lettre d'information n°33
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D’autres communautés féminines s’appuient sur les orphelinats protestants conservent une cer-
les principes édictés par Vincent de Paul pour taine originalité et apportent même une certaine
œuvrer en faveur des orphelins comme les nouveauté : ne jouissant pas, à la différence des
Sœurs de la Miséricorde de Moissac (Tarn-et- congrégations catholiques, d’une structure juri-
Garonne) ou les Sœurs de la Sainte-Agonie de dique pour pérenniser leurs œuvres, les consis-
Mazamet. Les groupements spécialisés dans toires vont solliciter systématiquement la recon-
l’accueil des garçons leur proposent un appren- naissance du gouvernement ; en outre, dans le
tissage professionnel, soit dans l’agriculture Tarn, les protestants sont les premiers à organi-
comme les Frères-ouvriers de Saint-François- ser un établissement propre aux orphelins
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Régis du Puy (Haute-Loire), soit dans l’artisanat garçons .
ou la petite industrie comme les Oblats de Saint-
Benoît d’Albi. Certaines congrégations qui pren- L’apogée des orphelinats concorde avec la
nent en charge des œuvres bien spécifiques seconde moitié du XIXe siècle, l’application des
sont parfois amenées à recueillir des orphelins ; lois anticongréganistes de 1901 et 1904 symbo-
leurs statuts décrivent l’œuvre en question, sans lisant la fin de cet âge d’or. Au fur et à mesure
pour autant mentionner d’orphelinat. Les Sœurs que l’État (Providence) s’affirme dans le do-
du Bon-Sauveur de Caen (Calvados) et les maine de l’enseignement et de l’assistance, le
Sœurs de l’Immaculée-Conception de Castres rôle des orphelinats s’amoindrit. Cette époque
se trouvent dans ce cas : les premières à travers s’achève avec le deuxième tiers du XXe siècle,
leur œuvre des sourdes-muettes à Albi, les autour de 1970, au terme d’un lent processus
secondes en soignant les filles repenties à légal d’amélioration de la condition de l’enfance
Castres. On trouve enfin bon nombre de congré- et de la famille. Cet article reprend les principaux
gations dont les statuts n’évoquent pas l’œuvre éléments de notre thèse d’histoire du droit,
des orphelines et qui dirigeront pourtant locale- intitulée Les orphelinats du Tarn sous la
ment, dans le cadre de leur mission charitable, Troisième République, dans laquelle nous
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des orphelinats . observons le renforcement du contrôle étatique
des orphelinats. Aucun ouvrage ne proposant
Le protestantisme s’affirme de son côté dans les une synthèse juridique de ces institutions, l’idée
mouvements du Réveil, constitués d’échanges de rechercher un droit des orphelinats à l’échelle
doctrinaux et d’interventions sociales . Les d’un département, confère à ce travail une
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protestants, ancrés dans le secteur de la mon- perspective originale.
tagne tarnaise , instituent leurs propres œuvres
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sociales. Les initiatives charitables des consis- -------
toires témoignent de leur volonté de jouer un Alors que les orphelinats n’ont plus actuellement
rôle en matière d’assistance. Avec la dynamique en France aucune réalité, absorbés par le dispo-
du Réveil, la religion réformée souhaite prendre sitif hégémonique du secteur médico-social, leur
part à une action jusqu’alors monopolisée par définition reste très large et imprécise (I). Nos
l’Église. Même s’il s’agit d’« œuvres semblables recherches espèrent démythifier une institution
à celles des orphelinats du culte catholique » , méconnue (II).
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8 Il faut évoquer ici l’action de congrégations extérieures au département comme les Sœurs de la Charité et de
l’Instruction Chrétienne de Nevers (Nièvre), les Sœurs de Notre-Dame de Toulouse, les Dominicaines du Très-Saint-
Rosaire de Monteils (Aveyron) et les Sœurs de la Divine Providence de Ribeauvillé (Haut-Rhin), mais aussi de
congrégations tarnaises telles que les Filles de la Croix de Lavaur, les Sœurs de la Présentation de Castres, les Sœurs de
Saint-Joseph d’Oulias ou encore les Filles de Jésus de Massac.
9 S. DHONT, Le droit des œuvres sociales du protestantisme français au XIXe siècle (1814-1914), Paris, 2001, p.. 48 et suivantes.
10 La Montagne Noire et les Monts de Lacaune forment un « foyer tarnais » du protestantisme
(R. FABRE, Les protestants en France depuis 1789, Editions La Découverte, Paris, 1999, p. 32).
11 H. BROCHIN, Article « Orphelinat », Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales (Deuxième série. L-P, Tome XVII.
Ore-Ors, sous la direction de Amédée Dechambre, puis de Léon Lereboullet), Masson et Asselin, Paris, 1882, p. 588.
12 Sur les œuvres protestantes, consulter les fonds des Archives Municipales de Castres (Série Z. Fonds privés, Sous-
série 16 Z. Fonds protestant) et du Musée du Protestantisme en Haut-Languedoc de Ferrière.
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