Page 4 - Lettre d'information n°33
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adopte une définition plus précise des popula-   courant primitif du christianisme social, empreint
               tions à secourir et amorce une diminution pro-   de  paternalisme,  qui  imagine  un  ordre  social
               gressive des hospices dépositaires. La première   fondé sur la religion, la famille et l’atelier. Suivant
               tendance, orchestrée par le pouvoir central, con-  cette conception, ces institutions doivent remé-
               cerne  la  classe  particulière  des  orphelins   dier  aux  défaillances  de  la  cellule  familiale
               pauvres. Cette catégorie pourtant prévue par le   causées par l’industrialisation.
               décret de 1811 sera systématiquement rejetée
               par  les  instructions  réglementaires  ultérieures.   L’aggravation de la pauvreté provoque un ajus-
               Les orphelinats fleurissent sous la monarchie de   tement  du  discours  religieux.  En  refusant  les
               Juillet pour prendre en charge les enfants exclus   désastres sociaux provoqués par le libéralisme
               de la définition légale.                         économique,  le  catholicisme  social  dépasse
               La  deuxième  tendance,  d’origine  locale,  im-  l’antique charité pour élaborer une réflexion et
               plique  une  diminution  des  hospices  déposi-  une action adaptées à la nouvelle société indus-
               taires. Dès la Restauration, les pouvoirs publics   trielle. Les autorités ecclésiastiques du départe-
               prennent  conscience  que  le  système  du  tour   ment  favorisent  l’implantation  congréganiste
               facilite  les  expositions  d’enfants,  davantage   pour  assurer  le  service  des  hôpitaux  et  des
               dues à la misère qu’à la dépravation des mœurs.   écoles.  Ainsi,  les  congrégations  religieuses
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               En dépit de la loi, les autorités départementales   dominent-elles  la  direction  des  orphelinats .
               procèdent donc à la fermeture progressive des    Pour  certaines,  cette  vocation  spécifique  en
               tours sur l’ensemble du territoire. Dans le Tarn,   faveur des orphelins s’inscrit dans les statuts, à
               les tours des hospices de Gaillac et de Lavaur   l’image des Filles de la Charité de Saint-Vincent-
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               ferment une première fois le 1  janvier 1823. Le   de-Paul,  qui  composent  l’ordre  féminin  le  plus
               département  compte  uniquement  deux  dépôts    important de France et le plus actif du départe-
               jusqu’en 1832, date de la réouverture des deux   ment en matière d’orphelinats (onze en tout).
               tours  précédents  qui  ferment  définitivement  le
                er
               1  juillet 1842. L’accueil des enfants se trouve
               de fait concentré dans les hôpitaux dépositaires
               restants. Toutefois, dans les anciens dépôts, les
               religieuses  hospitalières  n’hésitent  pas  à  con-
               server des enfants en fondant un orphelinat au
               sein de l’hôpital.
               Le  mouvement  des  orphelinats  concorde  en-
               suite avec le renouveau religieux postérieur à la
               Révolution,  marqué  par  l’essor  des  congréga-
               tions catholiques et l’engagement confirmé des
               protestants  en  matière  d’assistance.  L’assis-
               tance publique ne concourt que très imparfaite-
               ment  à  la  protection  de  l’enfance,  faute  de
               moyens ; le secteur privé d’impulsion religieuse
               renaît, se développe et apporte un complément
               original  en  érigeant  des  orphelinats.  Les  reli-
               gions  du  christianisme  fournissent  un  terreau
               propice à la charité. Or, l’action religieuse dans
               le Tarn au XIXe siècle apparaît des plus floris-
               santes grâce  à un profond enracinement  local
               des  deux  cultes.  Les  entreprises  sociales  et
               morales  apparaissent  comme  un  excellent
               moyen  de  répandre  la  foi,  surtout  lorsqu’elles
               concernent  l’enfance.  Pour  les  deux  confes-
               sions, la restauration religieuse passe évidem-
               ment  par  l’instruction,  mais  la  tournure  indus-
               trielle  prise  par  la  société  va  diversifier  les
               moyens de diffusion. Catholiques et protestants
               s’impliquent donc dans la protection sociale des
               plus  faibles.  Les  orphelinats  proviennent  d’un

               7  A.D.T., Série V. Les cultes depuis 1800, Sous-série 3 V. Le régime des congrégations.


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