Page 7 - Lettre d'information n°33
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familles indigentes. Il faut également mentionner   assistés.  Les  orphelinats  sont  par  nature  des
               la présence d’enfants atteints de débilité, idiotie   œuvres confessionnelles, et ce caractère n’est
               ou surdité, qui nécessitent une éducation spéci-  pas  seulement  lié  à  leur  histoire,  c’est  aussi
               fique. Après la Seconde Guerre mondiale, l’ap-   l’empreinte d’un cadre de vie. La religion dicte
               profondissement  de  cette  vocation  sociale  et   l’existence  tout  entière  de  ces  établissements
               médico-sociale leur permettra de s’adapter à la   charitables.
               société moderne. Cette diversité de populations
               donne un aperçu de l’ambiguïté inhérente aux     L’œuvre  des  orphelinats  débute  par  un  acte
               orphelinats.                                     d’hospitalité.  L’établissement  recueille  des
                                                                enfants pour une durée relativement longue, en
               Par ailleurs, la différence entre un orphelinat et   règle générale jusqu’à leur majorité ou leur auto-
               un simple  pensionnat n’est pas facile à établir   nomie.  Cet  internement  charitable  résulte
               car il y a peu d’orphelinats entièrement gratuits.   d’époques où recueillir les orphelins s’avère le
               La  plupart  des  orphelins  paient  une  pension,   seul moyen de les sauver d’une mort certaine.
               souvent dérisoire ou adaptée aux ressources de   Au XIXe siècle, la destination de ces orphelinats
               la famille, mais cette rétribution complique la dis-  s’élargit pour pallier une absence physique (dé-
               tinction entre les institutions enseignantes et les   cès), matérielle (misère) ou morale (mœurs) des
               institutions charitables. Se destinant à l’enfance   parents.  L’institution  devient  alors  un  foyer  de
               « en danger », non couverte pas l’assistance pu-  substitution. Une longue tradition d’internement
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               blique, la mission des orphelinats se veut donc   en matière d’assistance , ainsi qu’une certaine
               complémentaire  de  l’action  publique.  Cepen-  méfiance de l’extérieur renforcée par les maux
               dant,  l’État  coordonne  aussi  des  mesures    de la société industrielle, expliquent que pour les
               préventives  pour  prendre  en  charge  d’autres   orphelinats,  le  placement  intervienne  tardive-
               populations et éviter les abandons ou la délin-  ment ou de façon très exceptionnelle. Les éta-
               quance :  les  enfants  pauvres  de  familles  indi-  blissements  ne  placent  en  effet  les  enfants
               gentes, aidés par les bureaux de bienfaisance ;   qu’après  la  période  d’apprentissage,  une  fois
               les  enfants  secourus  temporairement,  mainte-  qu’ils sont en état de gagner leur vie. Seul l’or-
               nus auprès de leurs mères moyennant indemni-     phelinat protestant de Castres consent à placer
               tés  ;  les  enfants  moralement  abandonnés,    ses orphelins en apprentissage chez des indus-
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               recueillis  sur  le  modèle  des  enfants  assistés   triels de la ville, et encore cette méthode ne fait-
               depuis la loi du 24 juillet 1889. Poursuivant dès   elle  pas  l’unanimité  dans  la  communauté
               lors un même objectif, la mission des orphelinats   protestante.
               apparaît  comme  concurrente  de  l’assistance
               publique. Ces structures agissent parallèlement   Les orphelinats forment un cadre complet d’édu-
               à  l’action  publique  avec  des  méthodes  diffé-  cation avec une instruction morale et religieuse,
               rentes, issues de la tradition charitable.       primaire et professionnelle.

               1.2  « Recueillant et éduquant »


               Un orphelinat comporte à la fois une œuvre de
               soins, en recueillant des enfants en souffrance,
               et une œuvre d’enseignement, en leur donnant
               une  éducation  complète  jusqu’à  leur  majorité.
               Les  deux  critères  caractérisent  l’orphelinat
               comme  une  œuvre  mixte,  charitable  et  ensei-
               gnante.  L’assistance  publique  et  les  initiatives
               privées ont en matière d’enfance malheureuse
               ce même but, recueillir et éduquer ; mais elles
               diffèrent sensiblement sur les méthodes, l’assis-
               tance publique préférant procéder au placement
               individuel  familial  à  la  campagne  des  enfants

               16  La pauvreté, plus que l’inconduite, explique les expositions d’enfants (J. BEGUE, Les tours. Situation du département du
               Tarn avant et après leur suppression, Imprimerie Ernest Desrue, Albi, 1880). Il s’agit de prévenir l’abandon matériel par la
               généralisation des secours temporaires (loi du 5 mai 1869).
               17  Évoquant la « clôture » des collèges sous l’Ancien régime, Michel Foucault précise que « l’internat apparaît comme le
               régime d’éducation sinon le plus fréquent, du moins le plus parfait » (M. FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la
               prison, Éditions Gallimard, Paris, 1975, p. 166).


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