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au pire qu’un piège. Dans l’autre ce ne peut être   Les thèmes sont récurrents : rejet de la suprématie
               que l’expression inconsistante de subconscients   injustifiée des intellectuels dans le monde ouvrier :
               individuels. »                                  il appartient à la classe ouvrière de s’émanciper par
            Nous avons évoqué l’exécution en règle  à laquelle   elle-même, de ne pas se dénaturer sous l’effet des
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            s’est livré Raymond Aron dans La France libre, qui fait   classes supérieures, ni de les imiter. Dénonciation
            de Sorel « l’interprète le plus typique, au XX  siècle,   de l’activité politique comme jeu ou magie. Fatalité
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            du romantisme de la violence » , qui cautionnait par   de la violence sociale : « Dès lors que la société est
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            avance les déchaînements nazis et fascistes. Mais   divisée en hommes qui ordonnent et en hommes qui
            il reconnaît implicitement – restriction capitale – que   exécutent, toute la vie sociale est commandée par la
            les « disciples » ont trahi le message :           lutte pour le pouvoir, et la lutte pour la subsistance
            1) leur violence ne correspond pas à l’idéal sorélien ;  n’intervient que comme un facteur à vrai dire indis-
                                                               pensable de la première. » ; la structure de l’activité
            2)  ils  idolâtrent  l’État  dont  Sorel,  après  Proudhon,   économique  favorise  les progrès  de la puissance
               n’a cessé de réclamer l’abolition .             de l’État, « incapable de construire, mais élément
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            Deux éléments substantiels qui suffisent à disculper   central là où il s’agit de conquérir et de détruire. » ;
            Sorel.                                             le contrôle de plus en plus poussé de l’État sur la
            Reste à expliquer  le prestige de Sorel parmi      puissance industrielle conduit fatalement à la guerre.
            quelques-uns  des « non-conformistes des années    La civilisation  industrielle  tend à la démesure  et
            trente  »  redécouverts par Jean-Louis Loubet del   au  chaos.  Mais  l’effondrement  apocalyptique  est
            Bayle, en particulier  le groupe  de la revue  Ordre   libérateur :
            Nouveau dont les objectifs étaient ainsi résumés :   « Cette situation pleinement comprise laisse une
               «  Contre le désordre capitaliste et  l’oppression   liberté d’esprit merveilleuse. »
               communiste, contre le nationalisme homicide et   Sorel a revendiqué cette liberté de l’esprit comme
               l’internationalisme  impuissant,  contre le  parle-  conscience des basculements de l’histoire. Simone
               mentarisme et le fascisme, l’Ordre Nouveau met   Weil se sépare expressément de Sorel sur la ques-
               les institutions au service de la personnalité et   tion de la violence dont l’Iliade lui paraît représenter
               subordonne l’État à l’homme. »                  le paroxysme.
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            La critique du libéralisme et de l’État est au centre   Humanisme  intégral  (1936), bilan  d’une  culture
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            des préoccupations  des «  non-conformistes  », cri-  bourgeoise  libérale en voie de dissolution,  fait
            tique qui se poursuivra pendant toute la guerre    réapparaître  le mythe sous une autre terminolo-
            et  au-delà  des  mers,  et  alimentera  la  réflexion  du   gie : « l’idéal historique d’une nouvelle chrétienté ».
            Comité National de la Résistance.                  Jacques Maritain a été l’ami de Sorel et de Péguy.
                                                               Ses adversaires ne s’y sont pas trompés qui ont
            C’est  en  juin  1934  que  Simone  Weil  conçoit  ses   dénoncé  les uns le «  mythe  »  les autres l’«  uto-
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            Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppres-  pie » . Maritain reconduit l’idée de base sorélienne
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            sion sociale . L’empreinte sorélienne est décelable.   de l’affranchissement du prolétariat par lui-même
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            70. R. aron, art. cit., pp. 430-431 : « En France, Sorel a été lu avec surprise et scepticisme et n’a jamais eu d’action politique. Il a été rejeté
            par presque tous les intellectuels. Il a eu un succès de snobisme auprès de quelques jeunes esthètes et de quelques théoriciens d’extrême
            droite. De plus on a vu en lui avant tout le moraliste, non l’apôtre de l’authentique violence. Le parti socialiste, les syndicats l’ont ignoré ou
            combattu. Lénine a parlé de lui avec mépris comme d’un de ces hommes capables de penser uniquement l’absurde ». C’est en Italie qu’il a eu
            le plus de succès. » Pourquoi un tel acharnement ? Notons que le directeur de thèse de R. Aron , Célestin Bouglé, est l’une des têtes de Turc
            des Réflexions, et le modèle des Intellectuels et universitaires cuistres que Sorel vomit, à la remorque des politiques, en quête des avantages
            disponibles de la République. L’ire aronienne pointerait-elle un problème de lutte des classes et un peu de ressentiment ? Si l’incompétence
            de Sorel est telle, comment lui accorder la moindre influence, lui reconnaître la moindre responsabilité, voire le citer ?
            71. «  Romantisme  de  la violence  ».  Sous  la plume  d’Aron, le  mot  romantique  est  synonyme  d’inconsistant  :  un sens  irrecevable.  Le
            Romantisme est considéré comme porteur d’une intentionnalité politique fondamentale en tant que critique de la modernité, en particulier
            de l’État. Cf. Michaël löwy et Robert Sayre, Révolte et mélancolie, Paris, Payot, 1992, p. 59 : « La plupart des romantiques se retrouvent pour
            critiquer la perception moderne (bourgeoise) du lien politique comme contrat « mathématique » entre individus propriétaires et pour dénoncer
            l’État moderne comme échafaudage artificiel de « rouages » et d’« équilibres », ou comme machine aveugle qui devient autonome et qui
            écrase les êtres humains qui l’ont créée. »
            72. R. aron, art. cit., p. 430.
            73. Cité par J-L. louBet del Bayle, Les non-conformistes des années 30. Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris, Seuil, 1969,
            p. 106.
            74. Simone weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, présentation de Robert Chenavier, Libertalia, 2022.
            75. Jacques Maritain, Humanisme intégral, Fernand Aubier, 1936.
            76. Leopoldo Palacio, professeur de droit à l’université de Madrid, théoricien du catholicisme franquiste, auteur de El mito de la nueva
            cristiandad, 1952.
            77. Abbé Julio Meinvielle, théologien de référence de l’extrême-droite militaire argentine, auteur de De Lammenais à Maritain. Du mythe du
            progrès à l’utopie de la nouvelle chrétienté, trad. fr. 1946.
            78. Jacques Maritain, op. cit., p. 238 : « Si le prolétariat demande à être traité comme une personne majeure, par là même, il n’a pas à être
            secouru, amélioré ou sauvé par une autre classe sociale. C’est à lui, au contraire, et à son mouvement d’ascension historique, que revient le


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