Page 12 - lettre info21 21_05_v10
P. 12

Mais, pour pouvoir appliquer ce texte aux professions agricoles, encore faut-il définir la notion de
          profession dite agricole. Le décret-loi du 30 octobre 1935 y remédie .
                                                                           45
               Lors de la réunion du 3 octobre 1936 visant à créer la C.A.D.A.F., Tardos affirme que « les alloca-
          tions familiales ont pour but d’assurer des prestations en espèce qui s’ajoutent au salaire des ouvriers
          chargés de famille » . Il y a néanmoins un but derrière cette générosité étatique. Tardos ajoute que ces
                             46
          prestations « sont destinées à compenser l’infériorité dans laquelle ceux-ci se trouvent placés au regard
          des ouvriers célibataires du fait qu’ils reçoivent le même salaire pour un même travail ».

               Le développement de cette idée n’est pas sans rappeler les principes mis en exergue par l’Alliance
          nationale pour l’accroissement de la population française. « Le principe qu’elle défend et qui est au cœur
          de son action est l’égalité des charges. ‘‘ Nous disons aux Français : vous avez trois devoirs principaux
          envers votre pays : contribuer à sa perpétuité, contribuer à sa défense, contribuer à ses charges pécu-
          niaires. Nous admettons que vous manquiez au premier de ces devoirs mais il faut alors accepter les
          deux autres avec un supplément’’. Le fait d’élever un enfant est assimilé à une forme d’impôt » . Dès
                                                                                                       47
          lors, l’éducation d’un enfant étant un impôt, « une des premières démarches consiste alors à ‘‘attirer
          l’attention du gouvernement sur la nécessité de réserver aux familles nombreuses les faveurs dont l’Etat
          dispose’’ en allant à la rencontre […] des ministres et parlementaires ».
               Tardos poursuit et reconnaît que cette pratique des allocations familiales avait été mise en place
          dès 1918 dans les domaines du commerce et de l’industrie. Il expose ensuite les principes énoncés par
          la loi du 11 mars 1932

               ‘‘qui donne à l’institution des Allocations familiales une consécration officielle ; de facultative,
               elle devient obligatoire […]. Tout employeur occupant habituellement des ouvriers ou des
               employés, de quelque âge et de quelque sexe que ce soit, dans une profession industrielle,
               commerciale, agricole ou libérale, est tenu de s’affilier à une Caisse de compensation ou à
               toute autre institution agréée par le Ministre du Travail, constituée entre employeurs en vue
               de répartir entre eux les charges résultant des Allocations familiales .’’
                                                                                 48
               Tardos rappelle que le décret du 5 août 1936 étend aux salariés des exploitants agricoles la loi
          du 11 mars 1932 sur les allocations familiales. C’est pourquoi il faut prendre acte de cette extension en
          créant la C.A.D.A.F.
               Une question sera alors débattue en son sein. Certains s’interrogent en effet pour savoir si les allo-
          cations familiales doivent être appliquées au plan local ou national. Ici, « Darnaud, Maire de Montamat,
          demande à ce que les allocations familiales soient appliquées sur le plan national ; M. Burgaud (délégué
          de la Caisse Nationale) lui donne toutes explications utiles et fait ressortir le gros effort fourni par la
          Mutualité Agricole qui, dit-il, doit rester à la base de l’application de la loi des allocations familiales » .
                                                                                                            49
          Le niveau local est donc privilégié.
               Plus tard, Tardos fera un bref rappel historique de l’institution des allocations familiales. Cette
          législation « a été inspirée par le souci de venir en aide aux familles nombreuses et de combattre ainsi
          le fléau de la dénatalité » . Il regrette :
                                  50
               ‘‘il ne naît plus en notre pays depuis plusieurs années assez d’enfants pour remplacer les
               Français qui meurent. Il y a eu en 1938 35 000 cercueils de plus que de berceaux. Pendant
               ce temps dans la même année 1938 le nombre des Allemands augmentait de 500 000.
               L’une des raisons de cette dénatalité est le contraste entre le genre de vie des ménages
               sans enfant où le mari et la femme peuvent cumuler deux salaires et celui des ménages qui
               comptent plusieurs enfants et où le salaire du mari doit servir aux besoins de toute la famille.‘‘

          45  Cf. LAGES (Michel), op. cit., p. 216.
          46  PV C.A.D.A.F., 3 octobre 1936.
          47  LUCA BARRUSSE (Virginie de), « La revanche des familles nombreuses : les premiers jalons d’une politique familiale
          (1896-1939) », in Revue d’histoire de la protection sociale, 2009/1, n°2, p. 50.
          48  PV de la C.A.D.A.F., 3 octobre 1936.
          49  PV AG de la C.A.D.A.F., 8 avril 1939.
          50  PV AG, 6 mars 1940.



                                                      _____ 12 _____
   7   8   9   10   11   12   13   14   15   16   17