Page 5 - Lettre d'information n°32
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La Compagnie parisienne du gaz crée pour ses         •   principe  selon  lequel  l’assistance,  ac-
               employés  une  caisse  de  secours  et  de              cordée uniquement aux individus sans
               prévoyance en 1858, une caisse de retraite pour         ressources qui ne peuvent travailler, est
               ses employés en 1859 et une caisse de retraite          subsidiaire  par  rapport  à  toute  autre
               pour  les  ouvriers  en  1892.  La  loi  du  28 juillet   forme d’aide et notamment l’aide fami-
               1928, complétée par d’autres textes, encadrera          liale : d’où le recours préalable à l’obli-
               juridiquement les clauses sociales du statut des        gation  alimentaire  du  Code  civil  et  la
               agents des concessions de gaz et d’électricité.         récupération des prestations sur la suc-
                                                                       cession  du  bénéficiaire  décédé  ou  sur
               D’autres  régimes  catégoriels,  soit  hérités  de      ses  ressources  s’il  revient  à  meilleure
               l’Ancien  régime  comme  pour  la  Comédie              fortune.
               française  ou  l’Opéra, soit  plus récents comme   La mise en œuvre de ces principes et des lois
               pour les transports en commun parisien (1898,    qui les définissent est, en règle générale, con-
               1922, 1924), les sapeurs-pompiers volontaires    fiée  aux  communes,  avec  le  concours  de  bu-
               (1922)  et  les  clercs  et  employés  de  notaires   reaux  d’assistance  publique,  et  aux  conseils
               (1937), etc., assurent une protection sociale plus   généraux des départements.
               ou moins étendue aux catégories concernées,      La loi du 14 juillet 1905 sur les vieillards infirmes
               les salariés se voyant imposer de contribuer à   et incurables prévoit comme principales presta-
               leur régime.                                     tions, soit une assistance à domicile, consistant
                                                                dans  le  paiement  d’une  allocation  mensuelle,
               Ces régimes spéciaux, généralement plus avan-    soit,  si  l’assisté  n’est  pas  susceptible  d’être
               tageux que le seront les assurances sociales et   secouru à domicile, son accueil en principe dans
               ensuite la Sécurité sociale, se verront, en 1945,   un hospice ou hôpital-hospice.
               maintenus  à  titre  provisoire,  tout  en  obtenant
               généralement la garantie que leurs prestations   La mise en œuvre de ces lois a donné lieu à un
               soient  portées  au  moins  au  niveau  du  régime   débat sur leur caractère opposable. Ouvraient-
               général  lorsqu’elles  s’avèrent  inférieures.  La   elles  aux  assistés  des  droits ?  Ce  débat  a
               plupart subsistent donc toujours, même s’ils ont   opposé des écoles juridiques.
               été soumis à certaines réformes.
                                                                Joseph Barthélémy, professeur à la Faculté de
               1.2 Les grandes lois sur l’assistance            droit de Paris, qui devint ministre de la Justice
                                                                sous le régime de Vichy, dans un article de la
               publique
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                                                                revue de Droit public , écrit : « Un droit à l’assis-
                                                                tance pour celui qui, par sa faute ou par le fait
               À des assurances sociales, mises en œuvre en     des circonstances, n’est pas en état de subvenir
               Allemagne  par  Bismarck  entre 1881  et 1889,   à ses besoins, est d’ailleurs une hypothèse pu-
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               sont préférées, en France, à la fin du XIX  siècle   rement  métaphysique,  une  affirmation  gratuite
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               et au début du XX , de grandes lois d’assistance   qui ne peut réclamer une adhésion raisonnée,
               publique  concernant  la  population  en  difficulté   un acte de foi politique. […] [La loi de 1905] n’est
               (notamment  loi  du  24 juillet  1889  relative  à  la   pas une loi socialiste ; c’est un acte de large pitié
               protection des enfants maltraités ou moralement   sociale. »
               abandonnés,  loi  du  15 juillet  1893  sur  l’assis-
               tance médicale gratuite, loi du 14 juillet 1905 sur   Henri  Berthélemy,  professeur  à  la  Faculté  de
               les  vieillards,  infirmes  et  incurables,  loi  du   droit de Paris, qui préface le Traité théorique et
               14 juillet  1913  versant  une  aide  aux  familles   pratique d’assistance publique  n’a, quant à lui,
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               nombreuses nécessiteuses).                       pas plus que les auteurs du Traité, de doutes sur
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               Ces lois s’inscrivent dans la ligne des principes   cipe qui domine nos institutions publiques d’as-
               définis, en 1889 à Paris, au Congrès internatio-  sistance  n’est  plus  l’observation  du  devoir  de
               nal de l’assistance publique :                   charité, […] ce n’est plus même la philanthropie
                                                                                               e
                  •   principe  de  l’assistance  obligatoire  par   fort  en  honneur  à  la  fin  du  XVIII  siècle,  ni  la
                      les collectivités publiques,              fraternité dont les idéalistes de 1848 ont voulu
                  •   principe selon lequel l’assistance est ac-  faire l’une des assises de l’ordre nouveau.
                      cordée  dans  le cadre territorial le  plus   C’est une conception moins noble, assurément,
                      proche de l’intéressé (notion de domicile   mais plus efficace, en ce qu’elle a pour fin non
                      de  secours),  l’État  accordant  simple-  le soulagement de quelques-uns, mais l’intérêt
                      ment  le  cas  échéant  une  participation   de  tous.  C’est  la  constatation  de  l’interdépen-
                      financière,                               dance  étroite  des  membres  d’un  même  corps



               3  BARTHELEMY Joseph, « L’effort charitable de la III  République », Droit public, 1910, p. 336.
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               4  DEROUIN H. et GORY A, Traité théorique et pratique d’assistance publique, Sirey, 3  édition, 1914.
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