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6. Le fait cholérique, révélateur de la On mit en service des voitures de tapissiers,
question sociale. vastes véhicules adaptés au transport des
meubles. « Mais la vue de ces nouveaux chars
Le choléra éclata à Paris le 26 mars 1832 , en funèbres, qui s’avançaient lentement au milieu
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pleine mi-carême. L’épidémie avait franchi im- des rues, retardés dans leur marche par le poids
placablement frontières, barrières et cordons. du triste dépôt dont ils étaient chargés, portait
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Le rapport officiel de la commission centrale de dans l’âme des citoyens et des femmes surtout,
sécurité distingue deux périodes d’invasion. une telle impression de douleur et d’effroi que
Durant la première période (de mars au l’on fut bientôt obligé de renoncer à s’en servir »
15 juin 1832) la commission dénombrait 13 901 (p. 16).
sépultures dûment enregistrées dans les cime- On manquait de main-d’œuvre dans les cime-
tières parisiens, imputables au seul choléra. On tières dont on redoutait l’infection. Les autorités
dénombrait 90 morts au cours de la dernière surent jouer sur la hausse des salaires et le chô-
semaine de mars . Aussitôt la commission mage, et rassurèrent les ouvriers des cimetières
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publia dans le Moniteur universel du 30 mars en y installant des postes sanitaires.
une « Instruction populaire sur les principaux Les services d’état civil étaient dépassés. Le
moyens à employer pour se garantir du choléra- procureur du Roi prit toutes dispositions pour
morbus ». On y préconisait notamment les bains ouvrir les bureaux jour et nuit, et multiplier les
chauds et les flanelles. lieux d’enregistrement. Ce flottement dans les
Le pic de mortalité fut atteint en avril, de manière services d’état civil avait favorisé les rumeurs et
soudaine, brutale, massive et inexpliquée : les supputations les plus fantaisistes sur le
12 733 morts. Les autorités durent faire face à nombre de décès dus au choléra : 30 000,
un problème imprévu : la pénurie de moyens de 50 000. Le rapport de la commission, rédigé par
transport des corps. Le rythme de production de Benoiston de Châteauneuf et coproduit par
corbillards devait être accéléré. Les ouvriers Villermé, Parent-Duchâtelet et le chimiste
refusèrent d’augmenter leur temps de travail, Chevallier, avait notamment pour mission d’en
malgré les hausses de salaire (« la haute- établir le décompte officiel et de mettre fin aux
paye »), par crainte de s’affaiblir. rumeurs.

« L’idée vint d’avoir recours aux fourgons d’artil- 7. Le lumpenprolétariat, une révélation
lerie… On les essaya en effet pendant une nuit ; cholérique.
mais le bruit des ferrailles, particulier à ces
sortes de voiture, ce bruit si bien connu et que Les relevés de la commission confirmaient les
leur nombre augmentait encore, interrompait constatations de Villermé sur l’inégalité des con-
douloureusement le sommeil des habitants, et ditions face à la maladie et ses pronostics sani-
d’ailleurs un accident grave qu’on n’avait pas taires de 1824 en conclusion de ses enquêtes :
prévu, se manifesta presqu’aussitôt. Ces voi- certains quartiers deviendraient des théâtres
tures ne sont pas suspendues ; les fortes épidémiques, comme le quartier Saint-Antoine,
secousses imprimées dans la marche aux cer- la rue Sainte-Marguerite, la bien nommée rue de
cueils qu’elles portaient en déclouaient les la Mortellerie , notamment les immeubles sis
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planches, en chassaient les corps, et, brisant le aux numéros 62, 38, 20, 114. On voyait dans le
tissu sans ressort des viscères, en laissaient choléra « une peste de la populace ». Jules
échapper un liquide infect qui se répandait dans Janin corrigeait : « la peste d’une populace qui
l’intérieur des voitures et de là sur le pavé. Dès se meurt seule ». La maladie fait rage dans « les
le lendemain il fallut abandonner ce moyen » maisons garnies », estuaires de la misère. 3 171
(p. 15). habitats de ce type abritent 32 430 personnes

16 Voir notamment : Gabriel VAUTHIER, Le choléra à Paris en 1832, Revue d’histoire du XIXe siècle-1848, n° 127,
1928, pp. 234-241.
17 Rapport sur la marche et les effets du choléra-morbus dans Paris et les communes rurales du département
de la Seine, par la commission nommée avec approbation de Monsieur le ministre du commerce et des travaux
publics par MM les préfets de la Seine et de police , année 1832, Paris, imprimerie royale, 1834, signé par BENOISTON
DE CHÂTEAUNEUF, CHEVALLIER, PARENT-DUCHÂTELET, VILLERMÉ.
18 Nombre de morts par périodes distinguées par la commission :
1 période dite « invasion » 2 période dite « recrudescence »
re
e
Mars (une semaine) 90 À compter 15 juin 602
Avril 12 733 Juillet 2 573
Mai 812 Août 969
Au 15 juin 266 Septembre 357
Total 13 901 Total 4 501
Le nombre de morts s’élève à 18 402 au total.
19 Journal des débats, 27 novembre 1825.

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